Nous n'avons pas pris le taxi, pour nous rendre à
la gare de Lyon. Un parce que c'est trop cher. Et deux, il aurait fallut sortir
un billet de banque pour payer. Et vus que notre argent est dispersé un peu
partout entre les corps de papa, maman et leurs amis !... je vois mal Tita
mettre la main à son soutien gorge en pleine rue, pour pouvoir payer.
De toute façon, comme dit maman, le métro c'est
"presque pas cher". Bein oui, on a tous notre carte de famille
nombreuse avec nous, et donc on paye moitié prix…
Comme de bien entendu, la rame en véritable
antisémite, prenait un malin plaisir à vouloir fermer ses portes, alors que
nous étions encore sur le quai. Nous nous mîmes alors tous à courir avec nos
sacs et couffins. Maman agrippait d'une main sa poitrine, de peur que son
pécule ne disparaisse dans les profondeurs. Heureusement que tata Tita était
la, car elle cria tellement fort, en arabe je crois, que le conducteur de la
rame, effrayé, arrêta ses machines, et rouvrit les portes.
Ouf, nous soufflâmes de soulagement une fois dans
le wagon. Rapidement, les femmes allèrent s'asseoir et calèrent les sacs autour
d'elles et de leurs jambes, tandis que les hommes debout à côté d'eux, montaient
la garde devant un tel trésor. Notre train pour la côte était a 16h00, il
n'était que 8h00 du matin lorsque nous primes le métro a colonel Fabien. Mais
comme le dit si bien papa, "on ne sait jamais, des fois qu'il y a une
grève de la R.A.T.P,
ou alors que le chef de la gare de Lyon ait décidé d'avancer l'heure du train,
il vaut mieux prévoir".
Je ne sais pas pourquoi, mais les gens dans le métro
nous regardaient, certains même souriaient. Il faut dire que les adultes qui
m'accompagnaient, parlaient un peu fort. Ils y étaient bien obligés, vu que
"tonton" Khamous était un peu sourd. De plus, ils prenaient un malin
plaisir à mélanger dans leur arabe quelques mots de français. Ah ils sont forts
mes parents, ils sont polyglottes !
Braytou !» cria ma mère, lorsque nous
arrivâmes enfin à la gare de Lyon." Fais vite, tu ne vois pas que tu vas
nous faire rater le train ?»
Braytou, c'est moi. En fait, depuis que nous
sommes à Paris, je m'appelle Albert, enfin c'est comme ça que l'on m'appelle a
l'école. Mais mon vrai prénom, est Braytou, je porte le nom de mon grand père
paternel. Maman dit que c'est un joli prénom, mais moi, j'ai un peu honte de le
dire à Sébastien et Ursule, mes copains d'école.
Nous étions arrivés à la gare avec sept heures
d'avance. Mais ce n'était pas grave pour mes parents, car au moins, ils étaient
sûrs de ne pas rater le train pour la "grande bleue". Après nous êtres
installés sur un banc, les hommes allèrent s'assurer, que le train partirait
effectivement depuis cette gare, s'il n'avait du retard ou de l'avance; et s'il
n'existait pas un risque de future et sauvage grève, qui compromettrait nos
vacances.
Pendant ce temps, maman et tata Tita se mirent en
devoir de faire un peu de ménage sur le banc. Tout d'abord, elles prirent
chacune un mouchoir, préalablement imbibé d'eau de Cologne, afin de stériliser
le banc, que des postérieurs malfaisants auraient pu infecter.
Après un moment, alors que nous étions tout les
trois à frotter le banc, comme la veille de pâques, nous vîmes arriver les
hommes. Leur sourire, et leur démarche, nous rassurèrent. De bonnes nouvelles se
profilaient à l'horizon.
"Khamouna ! Allez sors la boukha et la
boutargue. Notre train est en bonne santé. Si dieu veut nous partirons à
l'heure" annonça mon père à ma mère, en mimant son air farouche et fier
que j'aimais tant.
Nous respirâmes alors d'aise, et Tita, tout en déballant
les olives noires et les oeufs durs, se mit à chanter une chanson du terroir.
Maman, pour plus d'hygiène, mit sur le banc un
vieux torchon, et se mit en devoir d'y placer la khemia. En plus des olives et
des œufs, ils sortirent la grande bouteille de boukha et de longs et fins
verres. Ensuite, ils déposèrent sur la nappe improvisée, un reste de salade de
tomates et de poivrons cuits de chabbat dernier, la "makbouba".
Vinrent ensuite pommes de terre et carottes
cuites, épicées d'harissa, cumin et coriandre. Tita coupa quelques tranches de
pain italien ainsi que de généreuses lamelles de boutargue. Une salade
d'artichaut, clôturait le maigre apéritif.
Nous nous assîmes autour du banc, transformé pour
l'occasion en table, et nous nous mîmes à faire honneur au repas.
La boukha coulait à flot, et les rires et
histoires fusèrent. Tita, malgré sa dentition, avalait tout ce qui se présentait
à une vitesse effroyable. Je l'aimais bien, car elle riait tout le temps, dévoilant
ainsi sa bouche et ses gencives nues surmontées de sa dent unique.
Après l'en-cas, les femmes débarrassèrent la
table, pendant que les hommes préparaient les cartes afin de faire une
"chkouba", partie de cartes, dont les règles me sont jusqu'à aujourd’hui
inconnues.
Khamous, sortit sa boite de nef fa, tabac à
priser, et en offrit à la compagnie. Moi je n'y touchais pas, car la dernière
fois que j'en ai respirée à la synagogue, j'ai arrosé avec mes éternuements le crâne
chauve de monsieur Nahmias, qui se trouvait assis devant moi. Mais les grands,
enfournaient le tabac, en quantité astronomique dans les narines. Qu’est ce
qu'ils sont forts les adultes de chez nous !
Moi, j'avais amené avec moi, dans ma poche, un
avion, et m'amusait à bombarder avec mon chasseur (5 sur lui !), tous les
ennemis antisémites passés, présents et à venir. Quand je serai grand, je serai
fort !
Après la partie de carte, les grands décidèrent de
faire une petite sieste afin de faciliter la digestion, et un peu pour tuer le
temps. Chacun choisi un banc et s'y installa.
Mais maman, ne put fermer l'oeil, elle avait peur
de rater le train, il était alors 13 heures, plus que trois heures à attendre…
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